Les accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne permettent aux différents pays de faciliter les échanges, à différents niveaux.
La Suisse est au cœur de l’Europe, et ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Aussi, dans l’intérêt de tous et pour faciliter les différents échanges entre la Suisse et les pays de l’Union européenne, il a fallu mettre en place des accords, portant sur de nombreux domaines (libre circulation des personnes, échanges commerciaux, recherche, sécurité territoriale…).
Ces accords ont été mis en place par étapes successives. Nous vous proposons dans la suite une sélection d’entre-elles :
- L’accord de libre-échange (ALE) en 1972
- Les accords bilatéraux I de 1999
- Les accords bilatéraux II de 2004
- Calendrier de la libre circulation des personnes
L’accord de libre-échange, signé le 22 juillet 1972
La Suisse est un pays fortement exportateur, et l’Allemagne, l’Italie et la France sont traditionnellement ses principaux partenaires économiques. Il était donc indispensable pour la Suisse et ses partenaires que les échanges commerciaux, notamment de biens industriels, puissent se faire de manière relativement simplifiées (sans quotas notamment) et sans trop de taxes (l’accord de libre échange prévoit notamment une franchise de douane pour les biens industriels qui transitent entre la Suisse et les pays de la Communauté économique européenne).
Les accords bilatéraux I de 1999
Les accords bilatéraux I, également appelés « Bilatérales I », regroupent en réalité 7 accords différents, et concernent les domaines suivant :
1. L’immigration entre la Suisse et l’Union européenne (accord sur la libre circulation des personnes, ALCP) : la philosophie générale de cet accord est de proposer aux ressortissants des pays de l’UE qui veulent s’installer en Suisse et inversement les mêmes conditions que celles qu’ont les ressortissants d’un pays membre qui veulent s’installer dans un autre pays membre : la possibilité de travailler en tant que salarié dans l’un des pays dès lors que la personne possède un contrat de travail ou une promesse d’embauche, et la possibilité de travailler en tant qu’indépendant.
L’accord sur la libre circulation des personnes est notamment facilité par un certain nombre d’accords existant entre les différents régimes de sécurité sociale des pays.
2. Les échanges commerciaux (accord sur les obstacles techniques au commerce) : avec cet accord, la Suisse et l’Union européenne ont simplifié les examens de conformité pour la commercialisation des produits (notamment les produits industriels, les produits agricoles n’étant pas concernés dans cet accord). Auparavant, il fallait que les produits subissent 2 tests, un en Suisse, un dans les pays de l’UE. Depuis la mise en place de cet accord, un seul test est possible, la conformité est alors valable dans l’autre pays et le produit peut donc bénéficier du marquage « CE ».
3. Les marchés publics : avec cet accord, les entreprises actives dans les domaines de l’énergie (gaz notamment), des chemins de fer, de l’électricité, de la fourniture et le traitement de l’eau, et des transports (maritimes, aériens, et urbains) peuvent participer aux appels d’offres des régions et communes (en Suisse et dans les pays de l’UE), que les entreprises soient suisses ou issues d’un pays de l’Union européenne.
4. L’agriculture : pour les fruits et légumes et les fromages, ainsi que certaines spécialités de vin et de viande, des facilités tarifaires, liées à l’importation) sont accordées. Par ailleurs, les contrôles vétérinaires entre la Suisse et l’UE ont été supprimés, et pour certaines denrées comme le vin, les alcools et les produits issus de l’agriculture biologique, il existe une reconnaissance mutuelle. Cela signifie notamment que la Suisse peut librement commercialiser ses produits dans les pays de l’UE, et inversement.
5. La recherche : grâce à la signature de cet accord, la Suisse peut participer aux programmes cadres de recherche et de développement technologique de l’Union européenne (PCRD). La Suisse participe au financement de ce programme à hauteur de 2,8% (soit un peu moins de 2,5 milliards de francs, étalés sur 7 ans). Les thèmes de recherche couverts par les PCRD sont les suivants : la santé, l’environnement, le domaine de l’énergie, les technologies de l’information et de la communication, ainsi que les nanotechnologies.
6. Les transports aériens : grâce à cet accord, les compagnies aériennes suisses font jeu égal avec les compagnies aériennes européennes, et ne se voient pas appliquer de droits de trafics particulier, ni empêcher d’accéder à certaines lignes.
7. Les transports terrestres : avec cet accord, la Suisse peut légalement prélever la RPLP : la redevance poids lourds liée aux prestations. En contrepartie, la Suisse a relevé la limite maximale de poids autorisé pour les poids lourds traversant le pays, passant de 28 tonnes à 40 tonnes.
Les accords bilatéraux II de 2004
Le deuxième volet des accords bilatéraux a été pour sa part fortement axé sur les règles fiscales entre la Suisse et l’Union européenne, notamment pour les revenus de l’épargne, ainsi que sur la lutte contre la fraude fiscale et la contrebande. D’autres dossiers, comme la participation de la Suisse aux accords de Schengen ont également été traités.
L’intérêt de la Suisse a mettre en place les accords bilatéraux
Que ce soit l’Union européenne ou la Suisse, tout le monde a eu intérêt à ce que de tels accords naissent après le refus du peuple suisse d’adhérer à l’espace économique européen en 1992. L’intérêt de mettre en place les accords bilatéraux est principalement économique : l’Union européenne est le 1er partenaire commercial de la Suisse, et la négociation des accords bilatéraux a permis au pays d’avoir un accès privilégié au marché unique européen sans en avoir les inconvénients.
Selon le Département fédéral des Affaires Étrangères (DFAE) et le Secrétariat d’Etat à l’Économie (SECO), la libre circulation des personnes a permis à la Suisse de soutenir sa croissance économique car les entreprises suisses ont pu recruter plus facilement du personnel étranger. On estime la contribution du travail des étrangers à plusieurs points en pourcentage du PIB et plusieurs milliards de francs. Selon une étude universitaire de 2017, 40% de la croissance de l’arc lémanique de ces 15 dernières années est due aux frontaliers. Ces chiffres qui illustrent l’importance des accords bilatéraux pour la Suisse n’incluent pas les étrangers qui se sont installés en Suisse. Globalement, on estime que le bilan des accords bilatéraux est globalement positif.
Les accords bilatéraux ne se sont enfin pas mis en place sans heurts. Que ce soit du côté européen ou du côté suisse, on peut observer des “entorses” ou adaptations libres des accords, comme les mentions “permis de travail obligatoire” sur certaines offres d’emploi en Suisse, ou encore ce refus des autorités italiennes de considérer la Suisse pour les appels d’offres.
Calendrier de la libre circulation des personnes
La mise en place des accords bilatéraux a eu pour conséquence une ouverture progressive du marché du travail suisse. Cette ouverture a été établie selon un calendrier précis qui concerne les ressortissants des pays de l’UE de manière différenciée dont voici les principales étapes :
- 1er juin 2007 : les ressortissants des 15 pays historiques de l’Union européenne (France, Italie, Belgique, Allemagne…) ne sont plus soumis aux quotas de permis de travail ni à la préférence nationale d’un point de vue du recrutement sur le marché du travail. En d’autres termes, les entreprises n’ont plus aucun blocage légal pour recruter ces ressortissants, et n’ont aucune justification particulière à fournir à l’administration cantonale ou fédérale.
- 21 mai 2000 : le peuple suisse accepte, par plus de 67% de oui, l’accord sur la libre circulation des personnes
- 1er juin 2002 : les accords bilatéraux I sont effectifs
- 1er juin 2004 : mise en place de mesures dites d’accompagnement ayant notamment pour but d’éviter le dumping salarial (le fait de proposer à un travailleur étranger un salaire moins élevé qu’à un travailleur local pour un même poste).
- 8 février 2009 : le peuple suisse accepte, par plus de 59% de oui, la reconduction des accords bilatéraux et à l’extension de ces accords à la Bulgarie et à la Roumanie.
- 1er mai 2011 : les ressortissants des 8 pays de l’Europe de l’Est ayant adhéré à l’Union européenne en 2008 ne sont également plus soumis aux quotas de permis ni à la préférence nationale pour le recrutement.
- 31 décembre 2021 : les ressortissants croates sont encore dans la période transitoire et sont donc soumis au principe des quotas de permis de travail. Ils ne sont pas prioritaires sur le marché du travail suisse.
Dates importantes liées à la libre circulation des personnes
- 1er mai 2012 : Le Conseil fédéral décide d’activer la clause de sauvegarde prévue par les accords bilatéraux pour les ressortissants de 8 pays de l’Est ayant rejoint l’Union européenne en 2004 (Pologne, Estonie, Slovaquie…). Cette clause de sauvegarde permet à la Suisse de limiter le nombre d’immigrants sur son sol, en remettant notamment en place les quotas de permis de travail Les ressortissants de pays de l’Est ne sont plus concernés par cette clause de sauvegarde.
- 9 février 2014 : le peuple suisse accepte l’initiative de l’UDC proposant de mieux contrôler son immigration en Suisse (“Non à l’immigration de masse”). Ce referendum a jeté un coup de froid dans les relations entre la Suisse et l’Union européenne car la traduction littérale du texte de l’initiative en loi aurait pu compromettre les accords bilatéraux. La loi finalement mise en Å“uvre par le Parlement suisse a été édulcorée et respecte les accords bilatéraux, qui sont donc toujours d’actualité. Si vous souhaitez des informations sur la mise en Å“uvre de cette loi, vous pouvez consulter l’article que nous avons rédigé pour l’occasion. Pour plus d’informations concernant la votation du 9 février 2014, consultez le dossier thématique que nous avons consacré sur la nouvelle loi sur l’immigration et la votation du 9 février 2014.
- 27 septembre 2020 : le peuple suisse refuse l’initiative de l’UDC souhaitant supprimer la libre circulation des personnes (et donc par conséquent les accords bilatéraux eux-mêmes), avec un large refus, à la fois de la population et des cantons.
- 26 mai 2021 : le Conseil fédéral met unilatéralement un terme aux négociations relatives à l’accord cadre entre la Suisse et l’Union européenne. Cet accord cadre avait pour objectif de préciser les relations institutionnelles entre la Suisse et l’Union européenne. Le volet relatif à la libre circulation des personnes devrait être impacté dans le futur, sans que l’on sache exactement de quelle manière.